samedi 21 juin 2008

Charles Juliet, Au pays du long nuage blanc


J’aime m’entretenir avec des personnes dont la parole est l’expression aussi exacte que possible de ce qui se vit à l’ intime de leur être. A l’ inverse, il est des gens dont la pensée semble coupée de leur réalité interne. Ils peuvent avoir une parole facile et abondante, mais eux, ils bavent des mots sans substance.

En plusieurs occasions, on m’a demandé si je connaissais le plaisir d’écrire. Comme je répondais par la négative, je voyais qu’on ne me croyait pas. Pourtant, je disais l’exacte vérité. Je ne pouvais connaître ce plaisir, car l’écriture me conduisait à affronter mes conflits, mes tensions, mes blessures. Et chaque fois qu’il me fallait pénétrer dans ces lointaines contrées obscures défendues par un mur d’angoisse, je devais livrer un véritable combat. Tout plaisir en était obligatoirement exclu. Mais depuis que je suis ici, il en va autrement. Quand je m’installe devant ma feuille je ne suis plus contraint, les mots me viennent plus facilement, je n’ai plus la crainte d’échouer dans la tentative que je vais faire de formuler ce qui peut venir au jour. Je peux donc admettre maintenant que j’ai éprouvé du plaisir à rédiger les notes de ce Journal, et aussi le texte sur Eugène Leroy. Au reste, il me paraît évident que ce plaisir qui m’est venu est l’aboutissement d’une évolution commencée il y a déjà un certain temps et à laquelle je n’ai pas prêté attention.

Quand je suis dans le feu de l’action, je n’ai pas conscience de ce plaisir. C’est après coup, lorsqu’il prend fin, que je découvre qu’il avait accompagné mon travail[…] .

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Note du 5 Novembre (Extrait) p.115-116

AU PAYS DU LONG NUAGE BLANC
Journal de WELLINGTON, août 2003 – janvier 2004

prochainement accessible en version FOLIO