vendredi 24 octobre 2008

Notes de Journal dans la revue des MOMENTS LITTÉRAIRES N° 20

Je peux maintenant reconstituer la chaîne des faits qui ont orienté le cours de ma vie et contribué à façonner ma personnalité.



En 1930 , la famille Ruffieux venue de Suisse, se retrouve dans un village de la montagne. Son père étant décédé, François Ruffieux reçoit en héritage une petite somme d’argent. Celle-ci lui permet de s’acheter trois vaches et prendre en location une petite ferme à Jujurieux.



Sur ces entrefaites , une jeune mère de famille habitant ce village passe sous un train et perd une jambe. Elle confie ses deux petites filles à Félicie Ruffieux. Ma tante entend parler de cette femme qui accueille des enfants et alerte mon père qui cherche une nourrice pour le bébé que je suis. A l’âge de trois mois, je suis placé dans cette famille que je ne quitterai plus.



En 1942, pour une raison que j’ignore, le 2° bataillon de chasseurs à pied échoue à Jujurieux où ces militaires sont démobilisés. Un sous-officier a un fils enfant de troupe. Nous apprenons ainsi qu’il existe des écoles militaires et ma tante convainc mon père de me faire passer le concours d’entrée dans une de ces écoles. A douze ans, me voici enfant de troupe.



A seize ou dix-sept ans, je suis adopté par un gendre de maman Ruffieux. Adjudant de gendarmerie en Corse, il devait être muté en Indochine où la guerre sévissait. En m’adoptant, il pouvait éviter de partir. Il a donc fait le nécessaire pour que je devienne légalement son troisième enfant, et ainsi a-t-il pu rester en France et garder son poste. Pendant ces années, il a mis de côté l’argent versé par les allocations familiales, et grâce au petit pécule que j’ai reçu, il m’a été possible de préparer mon P.C.B., puis d’entrer à l’Ecole de Santé Militaire.



Un seul maillon eût-il manqué à cette chaîne que ma vie aurait pris une toute autre direction. Que serais-je alors devenu ?


LES MOMENTS LITTÉRAIRES, Revue de LITTÉRATURE ,
Notes de Journal 2005-2007, Juillet 2008, p.40- 41.