dimanche 4 novembre 2007

Charles Juliet, Giacometti



Silhouettes aiguës, fragiles, maintenues à distance par leur structure filiforme, nous signifiant l’éloignement, la solitude, cette irréductible séparation qui nous coupe de notre semblable.

Visages tellement graves . Effarés. Fixés à l’extrême d’une tension où s’exacerbe ce qui les brûle.

Yeux dilatés par l’angoisse. Par le désir acharné de comprendre, de connaître, de coûte que coûte faire surgir la réponse.

Etres nus, nus, sans défense. Incapables de biaiser, de fuir, de se fermer à ce qui tant les effraie.

Atmosphère tragique. Densité des visages. Instants cruciaux où quelque chose de vital est en jeu.

Force résolue. Contraints au face à face avec ce qui, d’un moment à l’autre , pourrait les terrasser.

Affrontement. Combat. Yeux qui refusent de ciller .

L’extrême fragilité étayée par une force que rien ne fera reculer.

Un homme stupéfié. Terrorisé. Saisi juste avant cet instant où il va s’effondrer.

Peut-être sombrer dans la démence.

Assujetti au temps. Agressé par la vie. Encerclé par la mort.



Mes yeux dévorant ces yeux où s’exaspèrent des questions auxquelles ils me somment de répondre.

Renvoyé en cette région de moi-même où tout n’est qu’appréhension, peur, effroi devant l’énigme.

L’irrépressible montée de l’angoisse.

Mais j’oubliais, j’oubliais. Un homme certes réduit à bien peu. Mais un homme debout. Un homme debout. Dressé par une force quasi surhumaine qui naît une fois vaincue la peur, une fois franchi le désespoir, une fois qu’après bien des épreuves et des luttes a surgi le oui d’un définitif consentement.



Giacometti, P.O.L., 1996, p.67-69