dimanche 18 janvier 2009

Etats provisoires du poème VI, Lectures fondatrices, Charles JULIET



Le poème de Parler clair qui m'a le plus touché, Blas de Otero l'avait lu à la Sorbonne le 5 mars 1959, lors d'une séance d'hommage à Machado destinée à marquer le vingtième anniversaire de sa mort. Je retrouve en moi le début de ce poème :



Si je m'enhardissais

à te parler à te répondre

mais seul

je ne suis

personne


Après la chute de Barcelone, Machado avait dû fuir. Accompagné de sa vieille mère, presque infirme, il avait traversé les Pyrénées à pied, mêlé à une cohorte de femmes désespérées, d'enfants effrayés, de combattants blessés et épuisés. Arrivé à Collioures sous une pluie battante le 26 janvier, il était décédé moins d'un mois plus tard, deux jours avant sa mère. "Poète de l'Espagne", il reposait dans le cimetière de cette petite ville, et nombre de ses compatriotes souhaitaient que sa dépouille retrouve la terre de ses origines. D'où ces mots sur lesquels s'achève le poème :



La mer

bat sur la France te réclame

elle veut nous voulons

t'avoir à nous, vivre avec toi

te partager

comme le pain





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ETATS PROVISOIRES DU POEME VI,

Théâtre National Populaire,


2005, DECOUVERTES , p.63-64