*
cette joie sauvage
violente
qui menace
de fissurer l'être
elle réveille
la souffrance
originelle
*
jamais tu ne t'es refusé
aux mains qui avaient
à pétrir ta pâte
et peut-être un jour
sauras-tu dire à la terre
le oui que tu lui dois
*
Les poèmes qui précèdent ont vu le jour durant l'une de ces périodes de stagnation où je butais sur un obstacle. En l'occurrence, quel était-il ?
Au long de cette aventure, les crises de découragement sont fréquentes. Durant l'une d'elles, j'en étais venu à vouloir abandonner cette quête. Or ce renoncement ne pouvait que s'accompagner d'une retombée, d'un retour à des pesanteurs, des étroitesses, des peurs, des avidités dont initialement j'aurais voulu m'affranchir. Dans mon esprit, cet autre chemin était donc delui d'une régression,et même d'une sorte de trahison. On comprend dès lors que les poèmes nés de cette crise n'avaient rien d'autre à dire que l'amertume et la culpabilité que j'éprouvais.
Quelques vingt ans ont passé [...].
Auparavant, je ne concevais l'aventure intérieure qu'en termes de combat, étant admis que l'une des deux forces en conflit devait tendre à anihiler l'autre. Je pense maintenant tout autrement.Avec un retard que je déplore, j'ai fini par comprendre que l'instance qui nous pousse à rechercher le plus vaste et le plus intense doit non pas étouffer ce qu'on peut appeler notre part terrestre, mais se la concilier, tenter de vivre avec elle en bonne intelligence. Ce n'est qu'en accordant les uns aux autres ces besoins contradictoires qu'un être a chance de trouver son juste équilibre.
J'ai abouti là, j'en conviens, à une évidence des plus banales. Mais il faut admettre que les évidences de cette sorte ne se laissent parfois découvrir qu'après
de longs détours.
Janvier 1998
Juliet, L'autre chemin, Arfuyen, 1998, p.38,40,44,45.
Photo de couverture d'Alain Bachelard.