jeudi 25 octobre 2007

Charles Juliet,Lueur après labour,Journal III .




Dans ses premiers élans, l’amour est souffrance. Une force se lève en vous, puissante, entière, irrépressible, portant en elle quelque chose d’absolu, d’incorruptible, d’intemporel, et aussi, l’étrange, l’inépuisable beauté de la vie. Et tout ce dont vous désirez combler l’être aimé, vous voudriez que ce soit marqué du sceau de la grandeur, de la perfection, de cette immensité où l’amour s’enracine. Mais cette exigence ne parvient qu’à souligner votre petitesse, votre médiocrité, votre misérable insuffisance, qu’à accuser l’accablante, la nauséeuse laideur de ce monde corrompu, où tout n’est de plus en plus que violence et saccage. S’embrase alors la nostalgie d’une existence où ce que l’on serait, ce qu’on pourrait donner, appartiendrait au meilleur. Où possibilité nous serait accordée de refaire le monde, de le laver, de le rendre à sa virginité première.
Transparence, lumière, amour qui se vivrait sans que rien ne soit trahi de ce qu’il est, beauté de l’être, beauté sur le monde, où êtes-vous, où êtes-vous ?



Lueur après labour, Journal III, 1968-1981, P.O.L. p.259